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avertissementCe blog n'est pas un site pornographique. Cependant, il est composé de textes rédigés par un adulte qui ne s'auto-censure pas, et dans lesquels il peut être question de sexualité. For adults only. Sólo para adultos. 為成年人. Nur für erwachsene. Vuxna endast. Voksne bare. Alleen voor volwassenen. Solo per adulti. 大人のみ. только для взрослых. للكبار فقط

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30 juillet 2011 6 30 /07 /juillet /2011 09:51

A l’école primaire, je n’aimais pas mes camarades masculins. Ou plutôt, eux, ne m’aimaient pas. Dès le Cours Préparatoire, j’avais eu la faiblesse de préférer les jeux de filles aux jeux de garçons. Taper dans un ballon me semblait trop prosaïque. Jouer avec les filles, c’étaient inventer des univers, devenir quelqu’un d’autre : «  Toi, tu serais… et moi, je serais... » J’avais tellement besoin d’être quelqu’un d’autre... Tantôt, j’étais un marchand de quatre saisons, tantôt, un personnage de dessin animé dont je réitérais les exploits. Si j’étais « accepté » parmi les filles, alors qu’à l’école primaire un garçon est souvent considéré par celles-ci comme l’ennemi à abattre, c’est que ma nouvelle voisine, Bahia, était devenue mon amie - parce que c’était elle, parce que c’était moi, aurait dit Montaigne - et qu’elle m’avait introduit dans l’univers mystérieux et secret des petites demoiselles.

Cela me valut pour des années la disgrâce auprès des garçons de la cité H.L.M. où nous vivions, et au sein de laquelle se trouvaient l’école et le collège. Dès le C.E.2, les quolibets fusèrent : rarement un garçon m’appelait-il par mon prénom. J’étais « la fille manquée », « le garçon manqué » (manifestement ils hésitaient entre ces deux appellations, quant à moi je ne voyais pas où se situait la nuance), et plus souvent, j’étais simplement, insulte suprême, « la fille ». Que mes camarades du sexe dit « faible » prennent ma défense ne faisait qu’envenimer la situation.

Je grandissais ainsi, pris au piège entre le clan des filles auquel, quoiqu’allié, je resterais étranger et le clan des garçons dont le caïd, Alexandre, me haïssait pour ne pas me soumettre à lui. Mon seul refuge se trouvait auprès de Dorothée et de ses récréamis, ou encore dans un village voguant sur des nuages ; mes seuls vrais amis vivaient dans des mondes appelés T.F.1, Antenne 2 et F.R.3, inextricablement enfermés dans ce coffre en bois, les télévisions n’étant pas encore toutes en plastiques, devant laquelle ma mère concédait que je me blottisse à la condition de ne pas bouger une oreille.

C’est seulement en C.M.2 que débarqua dans ma classe, Adrian. Il avait tout pour me séduire. Non seulement, c’était un beau blond aux yeux bleus et à la peau mate que les filles regardaient avec des yeux en soucoupes et que les garçons enviaient et respectaient grâce à sa silhouette particulièrement développée pour son âge, mais en plus il arrivait de Belgique, ce qui lui conférait à mes yeux d’enfant n’ayant jamais franchi les frontières de sa cité de banlieue, autant d’exotisme que s’il était venu de Madagascar ou de Nouvelle-Zélande. S’installer dans notre école en cours d’année ne parut pas perturber Adrian le moins du monde : très vite, il s’imposa comme le meilleur élève de la classe, comme le prince charmant de toutes les filles de l’école, et comme une recrue de choix pour le clan d’Alexandre.

Ce dernier me présenta dès le premier jour, dans la cour de récréation, comme étant du menu fretin, la « fille » de la classe qui n’en était pas une. Contre toute attente, Adrian vint vers moi et me lança un « Salut ! » en me tendant la main. Jamais un garçon ne m’avait serré la main comme cela se faisait « entre hommes » et, habitué aux fourberies des congénères d’Alexandre, j’hésitai avant de lui tendre la mienne en rougissant, ce qui déclencha les railleries des garçons. Il n’y avait aucun piège, Adrian me sourit. Et, pour la première fois, je sentis confusément que je ressentais pour un garçon ce qu’un garçon n’était pas censé ressentir. Peut-être Alexandre avait-il raison en m’appelant « la fille » ? Peut-être n’était-ce finalement pas une insulte ?

Adrian se montra toujours bienveillant à mon égard. Il naviguait, sans aucun complexe, entre le groupe des filles et celui des garçons, m’entraînant avec lui de l’un à l’autre, au grand désarroi d’Alexandre qui sentait son autorité sur ses sujets vaciller. N’osant défier Adrian qui faisait une bonne tête de plus que lui, le petit chef n’attendit pas davantage et devança Adrian en prenant l’initiative de m’inviter à entrer dans sa bande. Tous les garçons approuvèrent sa proposition : depuis qu’Adrian m’avait permis de les approcher, ils avaient découvert chez « la fille » un enfant plutôt généreux, distribuant de bon gré ses billes, ses roudoudous et ses autocollants Panini de Pac-Man. J’avais fait contre la mauvaise fortune, qu’ils avaient déchaînée sur moi depuis des années, bon cœur. Il en allait autrement pour Alexandre que je haïssais de tout mon être, et je pris un malin plaisir à lui dire que je réfléchirais à sa proposition, ce qui impressionna ses sbires et dessina sur le doux visage d’Adrian ce merveilleux sourire que j’aimais tant. « N’attends pas trop, je pourrais changer d’avis » me menaça-t-il pour conserver la face.

Bahia et Agathe aux yeux clairs ne tardèrent pas à me conseiller de refuser : « Tu es bien avec nous, eux ce sont des imbéciles qui jouent les terreurs dans la cité ». Je ne voulais pas perdre mes copines, mais faire partie du clan d’Alexandre incluait de nombreux avantages : je n’aurais plus d’ennuis avec lui, je serais craint et respecté par tous les enfants à l’école et dans la cité, une place de choix dans la hiérarchie de la cour du collège lors de mon entrée en 6è l’année suivante me serait assurée. Mais c’était aussi défier ma mère qui était si soulagée de me voir jouer avec de « gentilles filles » plutôt qu’avec « ces petits voyous ». Or, elle m’avait éduqué avec bien trop de rigueur pour que je lui désobéisse.

Ce sont les paroles d’Adrian qui me décidèrent définitivement : « Tu sais, tu n’es pas obligé d’accepter. Alexandre est tout fier de croire que je fais partie de sa bande, mais je joue seulement avec eux. Je ne fais partie d’aucune bande. Je suis libre. Toi aussi, tu peux choisir d’être libre ». Avions-nous vraiment le même âge ? J’étais impressionné par sa sagesse. Et, courageusement, j’allais dire à Alexandre que je ne voulais pas faire partie de son clan. Courageusement, mais avec Adrian, Bahia et la jolie Agathe pour gardes du corps. Il le prit comme un défi et me déclara froidement : « Personne n’a jamais refusé de faire partie de ma bande. » J’ignorais alors que j’allais payer cher mon courage lorsque nous nous retrouverions dans la même classe, au collège.

Je continuais cependant à aller d’un groupe à l’autre, sous l’œil protecteur d’Adrian, notamment pour jouer les messagers d’Eros. J’étais chargé de transmettre les lettres enflammées et les petits mots tendres entre mon beau Belge et Agathe qui, désormais, formaient le premier couple d’amoureux de notre école. Il faut avouer que je transmettais le courrier à Agathe en traînant un peu des pieds, pensant, quand le message n’était pas cacheté, qu’Adrian recourait à des superlatifs très exagérés. En revanche, lorsque je portais le courrier à Adrian, je me sentais pousser des ailes, me laissant porter par l’illusion que c’était mes propres lettres que je lui remettais. J’espérais alors qu’Agathe ait su lui dire combien il était beau et gentil, comme j’aurais pu le faire moi-même si, à l’époque, j’avais imaginé un instant qu’un garçon puisse dire cela à un autre garçon.

Puis, arriva le mois d’avril et le voyage en classe de mer que je redoutais tant.

Ce texte est © Jay. Toute reproduction interdite sans l’autorisation explicite de son auteur.

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24 avril 2011 7 24 /04 /avril /2011 11:04

Stephen King renouvelle avec talent le mythe du vampire avec son roman Salem’s lot, Mike Brant saute à l’élastique sans élastique, les vins de Bordeaux mis en bouteilles sont exceptionnels, l’ORTF cède la place à TF1, Antenne 2 et FR3, le droit des femmes fait un grand bond en avant grâce à la loi Veil qui autorise l’IVG, Gotlib crée le magazine Fluide Glacial, la dernière DS sort des usines Citroën après vingt ans d’existence, les enfants, émerveillés, découvrent Les Visiteurs du mercredi à la télé, une romancière anglaise assassine le détective belge qui a fait sa fortune, on peut désormais se raser avec un rasoir jetable, une invention Bic, et, moi, je nais dans une maternité des Hauts-de-Seine, au beau milieu d’un printemps qui sent bon le lilas. Mais, à quoi bon s’attarder sur ce que je ne peux que reconstituer ? mes premiers souvenirs conscients ne remontant qu’à l’époque de l’école maternelle. Si je veux faire preuve de bonne foi en rédigeant cette autobiographie, je ne dois évoquer que ce qui a laissé une empreinte sensitive dans ma mémoire.

A quand remonte mon premier souvenir sensuel ? Malgré les théories sur la sexualité de Sigmund Freud au début du siècle dernier, et bien que ces théories soient reconnues par tous les spécialistes de l’esprit humain, il y a encore, paraît-il, des gens qui doutent de l’existence de la sexualité infantile. Il suffit pourtant à chacun de nous de franchir les barrières mentales de notre mémoire, pour nous rappeler que, tout petit déjà, nous avions une sexualité. Pour ceux qui n’ont jamais lu Freud, entendons-nous bien : il ne s’agit pas d’une sexualité au sens où nous l’employons pour nous, adultes ou adolescents, mais plutôt d’une découverte du plaisir sensuel, pas nécessairement focalisé sur les organes génitaux.

En matière de sensualité, mes souvenirs ne remonteront pas au-delà de l’école maternelle. J’avais alors de 3 à 5 ans, mon programme télévisé favori mettait en scène un dinosaure orange, friand de gloubi boulga, et mon activité la plus notable de l’époque fut la fabrication d’une affreuse empreinte en plâtre de ma main peinturlurée avec un goût qui ferait vomir le plus scribouillard des peintres contemporains exposés au Centre Pompidou. J’avais un copain qui s’appelait Olivier. Prodige de la mémoire : alors que je ne sais plus ce que j’ai mangé hier, je me rappelle encore son patronyme à consonance slave, que je tairais ici par discrétion.

olivierJe ne sais plus à quoi nous jouions autour du bac à sable de la cour de récréation, mais je me rappelle qu’assez souvent, l’un proposait à l’autre d’aller « faire pipi ensemble », ce qui d’un commun accord impliquait le rituel suivant. Seuls aux toilettes (toute autre présence semble avoir été escamotée par ma mémoire) nous urinions côte à côte dans la même cuvette, nous observant l’un l’autre avec attention. Puis, ses cheveux blonds mi longs mêlés à mes cheveux châtain clair alors bouclés, nous nous touchions mutuellement ce que nous appelions encore « zizis », avec une délicatesse de diamantaires auscultant les pierres les plus précieuses au monde. Il faut croire que la volupté que cela nous procurait était grande puisque, plusieurs fois par jour, nous nous lancions un « On va faire pipi ensemble ? », et que jamais l’un ne répondit non à l’autre.

Après la maternelle, Olivier et moi ne poursuivîmes pas notre scolarité dans les mêmes écoles. Cependant, nous habitions la même ville et, adolescents, nous nous croisions souvent au détour d’une rue ou d’un rayon de supermarché. Nous faisions comme si nous ne nous étions jamais connus, sans doute honteux du secret que nous partagions : honte provoquée par une institutrice qui nous surprit un jour dans les toilettes, nous expliqua que ce que nous faisions était « dégoûtant » et « interdit », nous punit, et veilla à ce que plus jamais Olivier et moi n'allions aux toilettes en même temps. Enfants d’école primaire puis collégiens, je pense que nous savions pourquoi nous baissions la tête en nous croisant en ville, puis le temps fit son œuvre et nous finîmes par nous ignorer sans nous rappeler la raison de notre gêne commune.

Il me fallut attendre d’avoir une vingtaine d’années et de le rencontrer après de nombreux mois sans l’avoir vu, pour oser lui dire « Bonjour ». Nous échangeâmes des banalités, sur nos études à la fac, notamment. Puis, en le quittant, tout redevint clair en ma mémoire, et je me demandai si, lui aussi, se souvenait de ce que nous faisions dans les toilettes de la maternelle. Après mes études, j’ai déménagé et ne l’ai jamais revu.

Grâce à internet, j’ai pu découvrir qu’il vivait à Paris, travaillait dans les ressources humaines et qu’il avait publié sur un site permettant de retrouver ses « copains d’avant » une photo de classe de maternelle sur laquelle il se tient debout, juste derrière moi. Nous portons des chandails sans manches vraisemblablement tricotés par nos mères, le mien est orange, le sien kaki – le bon goût de la fin des années 70 ! Au moment où j’écris ces lignes, je me dis qu’il est peut-être aujourd’hui un « honorable » père de famille, mais que ce souvenir sensuel de l’école maternelle passe quelquefois en son esprit, tel Zéphire, le vent rapide comme l’éclair, chassant pendant un bref instant les éventuels nuages de son quotidien.

Ce texte est © Jay. Toute reproduction interdite sans l’autorisation explicite de son auteur.

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