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26 février 2015 4 26 /02 /février /2015 08:50

Plus fort que L’Histoire de France pour les nuls

En 52 avant Jésus-Christ, toute la Gaule est occupée par les Romains. Toute ? Non ! Une grande partie est conquise par Clovis Ier, roi des Francs, qui oblige l’empereur Auguste à déposer les armes à Alésia en s’exclamant « Ainsi as-tu traité le vase de Soissons ! » Puis, c’est en 732 que Charles Martel, dit Charlemagne, repousse l’invasion musulmane à Poitiers après avoir inventé l’école, ce qui permet à Pépin le Bref de faire reculer les frontières françaises en annexant l’Aquitaine et la Bretagne. En 987, Hugues Capet devient roi de France. Mais, les Anglais prétendent au trône et, là, c’est la Guerre de Cent ans… qui durera 116 ans. François Ier y met un terme en promulguant l’Edit de Nantes, ce qui a le don d’énerver Ravaillac, un catholique fanatique, qui assassine le roi dans sa baignoire. Tandis que le Cardinal de Richelieu crée l’Académie Française dans le but pour que tout le monde y parle bien la même langue, Louis XIV affirme que l’Etat c’est lui en lançant la construction du Château de Versailles, nouvelle demeure des rois de France d’où s’enfuient Louis XVI et Marie-Antoinette qui seront arrêtés à Varennes par les troupes napoléoniennes. Napoléon Bonaparte devient alors empereur et se couronne lui-même sur l’île de Sainte-Hélène avant de mourir empoisonné par les Anglais. Notons que c’est la dernière fois que l’Angleterre s’oppose à la France, les deux nations devenant alliées face à l’ennemi prussien qu’ils combattent ensemble dans les tranchées, sans se raser, jusqu’à la complète reddition d’Hitler forcé d’admettre que du haut des pyramides quarante siècles le contemplent. Enfin, Charles de Gaulle instaure la Vè République en prononçant ces mots devenus célèbres : « Je vous ai compris, au revoir ! »

Voilà, c’est tout, le reste n’est que menus détails sans importance. Ce résumé vous suffira à briller en société et/ou à obtenir votre bac. Ne me remerciez pas.

David_couronnement_de_l-Empereur_et_de_l-Imperatrice-1804.jpg6 janvier 1805 : Henri IV a tiré la fève. On le voit ici choisir sa reine parmi ses favorites. C'est Fanny de Pompidou qui est l'élue. Riri lui remet sa couronne en déclarant à l'assemblée présente : « Ralliez-vous à notre panache blanc, nous sommes vos monarques, moi et pis Fanny ! » (photo prise par le coiffeur Jean-Louis David, collection privée)

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10 avril 2012 2 10 /04 /avril /2012 15:25

Damien s'approcha vivement d'Antoine et, de son regard courroucé, poignarda les pupilles de son ami que la stupeur dilatait largement :

- Faut toujours que tu me contredises ! cracha Damien, férocement.

- C'est vrai, admit Antoine, contrit.

Fin

 

Ce texte est © Le Journal de Jay, il ne peut en aucune façon être reproduit, partiellement ou intégralement, sur un autre support, sauf autorisation explicite de son auteur. Tous droits d’adaptation pour le cinéma ou la télévision réservés.

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23 mars 2012 5 23 /03 /mars /2012 11:30

Lire Le Voile bleu (partie 2)

Scorpion

Chaque journée devient plus chaude que la veille, l’été installe ses quartiers dans le désert, et l’air s’emplit toujours davantage du bruit atone des scorpions allant çà et là. « Oh ! Assam, me dit ma mère un matin, je crois que je ne pourrai le supporter un jour de plus, ce bruit va me rendre folle ! » Je ne réponds pas. Mon père ne dit rien non plus, il garde un visage tendu et soucieux. Il revient, muet, de sa réunion avec les autres hommes nobles du campement. Son silence est pire que tout. Je comprends qu’il se prépare quelque chose de si grave qu’il ne sait comment nous en parler.

Je sors du héhékit de mes parents pour rejoindre Mohada, peut-être qu’il pourra m’expliquer ce qu’il se passe puisque, portant le voile bleu, il a pu siéger avec les autres hommes. Je le retrouve scrutant le lointain, le regard perdu et inquiet. Je lui demande ce qu’il se passe. Sans dire un mot ni même me regarder, il tend l’index vers l’horizon. Un horizon brun qui semble se mouvoir vers nous à toute vitesse. Il me faut un moment pour que mon esprit identifie ce que mes yeux lui montrent. Aussi loin que je puisse voir, de toutes les directions, les scorpions marchent, les uns contre les autres, si serrés qu’on croirait que c’est le sol lui-même qui se déplace. Il n’y a pas le moindre espace entre chaque arachnide et leur nombre est infini. Ils marchent tous vers le nord. Et, entre cette armée de scorpions et le nord, se trouve notre campement.

Mohada me prend par la main qu’il écrase douloureusement et m’entraîne au milieu des héhékits. « Enfermez-vous sous vos tentes ! crie-t-il d’une voix que l’angoisse rend aiguë. Les scorpions arrivent ! Ne leur laissez aucune ouverture ! » Puis, nous nous précipitons dans mon héhékit que nous nous apprêtons à calfeutrer. Lorsque, soudain, je réalise :

– Zoua ! Ma petite Zoua ! Elle est restée dehors !

– Mais non, elle doit être avec tes parents, dit mon cousin qui se veut rassurant.

– Non, non, j’en viens, elle n’y était pas ! Faut que j’aille la chercher.

– C’est hors de question, les scorpions seront bientôt là, nous n’avons pas un instant à perdre.

Sans chercher à discuter davantage, je m’élance vers l’extérieur. Mohada me retient in extremis par le bras et me tire à m’en faire tomber sur les fesses. « Reste ici, je la ramène, m’ordonne-t-il avec une intonation qui exclut la moindre discussion. » De longues secondes s’écoulent, pendant lesquelles je me jure de ne pas survivre à mon cousin s’il lui arrive malheur par ma faute. Enfin, il pénètre dans le héhékit, ma petite chatte des sables dans les bras. En pleurant de soulagement et de gratitude, je couvre le voile de Mohada de baisers. Cela ne lui déplaît pas, mais il me rappelle à la réalité : il faut enterrer les peaux qui constituent les parois de notre abri, et veiller à ce qu’aucun interstice ne subsiste.

Tout en nous affairant, mon cousin m’explique : « Les Vieux nous ont raconté qu’une à deux fois par siècle, au début de l’été, les scorpions pullulent et se rassemblent pour aller vers le nord. Ils sont comme pris de folie, ils ne contournent aucun obstacle, avancent toujours tout droit. Ils vont traverser notre campement comme si nous n’étions pas là, n’hésitant pas à piquer tout être vivant restant sur leur passage. » Comme pour lui donner raison, le bruit des scorpions ne fait qu’amplifier, puis nous percevons, le long des peaux du héhékit, les grattements de leurs pattes râpeuses. Je m’aperçois, avec un frisson dans le dos, que nous avons oublié une ouverture vers le nord. Pourtant, aucun scorpion ne s’y aventure. « Rien ne peut les détourner de leur marche vers le nord, dis-je, effaré. »

Les minutes sont comme des heures, tandis que nous écoutons le piétinement incessant de leur pattes griffues. Nous distinguons régulièrement un clapotis qui semble provenir du puits qui se trouve non loin de notre refuge. « Ils sont tellement obnubilés par leur route qu’ils ne contournent même pas le puits, comprend Mohada. Ils se jettent dedans aveuglément ! »

Mon bien-aimé me serre dans ses bras : « Tu n’as rien à craindre, mon petit Assam, je te protégerai : si un scorpion parvient à se faufiler à l’intérieur, je le tuerai, comme celui de l’autre jour. Jamais je ne laisserai quoi que ce soit te faire du mal. » Amoureusement blotti contre lui, je ne peux que le croire.

Tout à coup, le frottement monocorde de cette marche rampante est déchirée par des bêlements et des blatèrements affolés, douloureux. Les scorpions piquent le bétail et les dromadaires !

– On ne peut pas rester là sans rien faire, Mohada !

– Pas question de sortir, petit cousin, ce serait la mort assurée. Il faudrait être magicien pour survivre à ce flot de minuscules assassins à cuirasse !

En entendant ces mots, ma main se porte aussitôt au shérod que m’a donné Kibala. D’instinct, je suis convaincu qu’il pourrait chasser les scorpions du campement. Mais le fétiche qui se trouve à l’intérieur est à usage unique, et le Vieux me l’a offert pour que je puisse rester pour toujours avec Mohada… Oui, mais sans bétail ni dromadaires, nos deux groupes seront ruinés et affamés : notre bonheur, à mon cousin et à moi, a-t-il la moindre chance de s’épanouir dans ces conditions ? Je n’ai plus le temps de réfléchir davantage. Je prends le petit sac de cuir vert suspendu à mon cou et je m’extirpe en un éclair des bras de mon cousin. Avant même qu’il ait le temps de réaliser ce que je fais, je suis dehors, sur le seuil du héhékit, brandissant le shérod.

La peur écrase mon cœur d’une main glacée avant que je réalise que les petits démons noirs s’écartent vivement de moi et de ma tente. Non, je me trompe ! C’est bien plus que cela : ils s’écartent du campement tout entier ! La vague brune poursuit inlassablement son chemin vers le nord, mais en contournant nos habitations et nos animaux ! Je continue pendant plusieurs minutes à brandir le shérod, n’osant abaisser mon bras. Mon cousin m’a rejoint et, par derrière, enserre ma taille de ses mains fortes et me répétant : « Tu es un héros, mon petit Assam ! Tu es fou et tu mériterais une correction, mais tu es un héros ! »

A mesure que s’éloigne la marche des scorpions, les gens sortent de leurs abris, regardant autour d’eux, l’œil suspicieux. Mohada, joyeux et fier, raconte à tout le monde ce que j’ai fait. Je suis fier, moi aussi, très fier, mais non joyeux : le shérod ne fonctionnera plus, désormais, j’ai perdu tout chance de rester avec mon cousin bien-aimé. La vague des scorpions commençant à disparaître vers l’horizon du nord, je cherche à changer le cours de mes pensées sombres en regardant dans le shérod : puisqu’il est devenu inutilisable, je n’ai aucune raison de ne pas découvrir à quoi ressemble le fétiche qu’il renferme. C’est un petit scorpion en or.

 

Je ne m’attendais pas à une telle fête ! Une fête donnée en mon honneur ! Les femmes, les hommes et les enfants chantent mon nom. On me sert à boire et à manger, on me tapote amicalement le dos, on m’embrasse avec enthousiasme. Mon bonheur pourrait être à son comble si le groupe de Mohada ne partait pas demain matin. « Tu sembles triste, Assam, constate mon père. Comment est-ce possible ? Tu as sauvé nos deux groupes d’une famine certaine ! Peut-être est-ce cela qui te manque ? ajoute-t-il en me tendant un voile bleu. » C’est un tiguelmoust ! Pour moi ! Mon père me considère désormais comme un homme !

– Est-ce que ça signifie que je peux partir demain avec Mohada ?

– Je regrette que tu veuilles nous quitter, mais je comprends aussi l’attachement qui te lie à ton cousin. Maintenant que tu es un homme, tu peux aller où bon te semble… Promets-moi seulement de continuer à faire preuve de courage et d’altruisme afin d’honorer le voile bleu.

Fin

Relire Le Voile bleu (partie 1)

Ce texte est © Le Journal de Jay et ne peut être reproduit sur quelque support que ce soit sans l'autorisation explicite de son auteur. 

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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 15:50

Lire Le Voile bleu (partie 1)

Mon cœur me semble gelé, en croyant voir quelqu’un pénétrer dans mon héhékit. Les doigts de Mohada se resserrent sensiblement sur mes bras. Mais, ce n’est que Zoua, qui s’arrête en nous regardant de ses larges pupilles ouvertes par la pénombre et la curiosité. Ma petite chatte des dunes sera donc le seul témoin du baiser que m’a offert mon cousin. Nous retournons auprès de notre famille, danser et chanter autour du feu, avant que l’on commence à s’étonner de notre absence. Mais je n’ai plus qu’une envie : que vienne une heure suffisamment tardive pour que nous puissions aller nous coucher sans susciter d’interrogations de la part de nos parents.

C’est la vive fraîcheur et la position des étoiles qui nous indiquent que le moment est venu. Déjà, les plus vieux se sont retirés sous leurs tentes. D’un commun accord, Mohada et moi faisons de même. La tiédeur à l’intérieur du héhékit s’apparente presque à une chaleur saisissante, par contraste avec le froid nocturne. Sans la moindre hésitation, mon cousin commence à se déshabiller, me tournant le dos.

Malgré la faible lumière rougeâtre des tisons, je devine parfaitement le contour de ses fesses rondes et duveteuses que je mords de brefs regards, tout en me dévêtant moi-même. Comme il est musclé ! Son dos paraît si puissant ! Mon qad’ib est en érection, je ne peux rien y faire, il est si tendu qu’il me fait un peu mal. Je ne dois pas montrer à Mohada ce qu’il provoque en moi, je vais vite m’allonger sur la natte de paille, ventre vers le sol. Trop tard. Il s’est retourné et observe ce que j’essaie de dissimuler maladroitement avec mes mains. Il ne semble pas fâché, au contraire, je crois bien qu’il sourit. D’ailleurs, lui-même est dans le même état. Enfin, quand je dis « même état », c’est à un détail près.

– Oh ! ne puis-je m’empêcher de m’exclamer, tu as la plus belle queue que j’ai jamais vue ! Elle est énorme et tellement raide !

– Retire tes mains, que je vois si c’est de famille, me répond-il.

Je m’exécute, et mon cousin laisse échapper une interjection grossière mais admirative. Je me sens très fier. Jamais on ne m’avait regardé ainsi.

– Je veux que, cette nuit, tu sois à moi, mon petit Assam, me déclare-t-il.

– A toi ? Comment cela ?

Mohada s’approche de moi et me donne de nouveau un baiser sur la bouche, cette fois sans voile entre nous. La pointe de sa langue entrouvre mes lèvres, force le barrage de mes dents. Quand sa langue rencontre la mienne, mon qad’ib est serré contre le sien, et je me dresse sur mes orteils, enlaçant sa tête de mes bras, de crainte qu’il ne s'éloigne. Extase plus profonde que toutes celles que j'ai connues dans mes rêves. Soudain, mon cousin se met à genou devant moi et entreprend de laper le fluide transparent qui ne cesse de sourdre de ma queue.

– C’est bon, c’est salé, dit-il. Je pourrais en avaler comme ça toute la nuit. Es-tu d’accord pour que j’essaie de faire sortir ton lait de qad’hib, celui que tu laisses jaillir la nuit quand tu rêves de moi ?

– Comment sais-tu ?...

Mohada prend ma question pour une réponse affirmative. Je ne déments pas. Jusqu’au lever du soleil, tout n’est que délices, puis nous nous endormons, le grand corps de mon cousin pesant sur le mien comme un âne mort.

voile-bleu-2.jpg

L’astre du jour est déjà bien haut lorsque je suis réveillé par de petits baisers piquants sur le front, le nez et le cou.

– Pars avec moi, accompagne notre groupe, me supplie Mohada avec une infinie tendresse dans la voix.

– Mon père n’acceptera jamais. Déjà qu’il pense que je n’ai pas l’âge pour porter le tiguelmoust…

– Tu ne m’aimes plus ? Tu ne veux pas venir avec moi ?

– Si ! Bien sûr que si ! Je ne veux plus être séparé de toi ! Je vais aller demander la permission de suivre ton groupe, je saurai convaincre mon père !

Hélas ! comme je le craignais, mon père demeure sourd à tout argument. Il ne comprend pas pourquoi je préférerais vivre avec mon oncle plutôt qu’avec lui. Il est vrai que je suis bien incapable de lui livrer mes raisons.

Lorsque je le quitte, je dois avoir l’air bien soucieux car Kibala-le-Vieux, le sage de mon groupe, me prend par la manche et m’entraîne sous sa tente.

– Un garçon si jeune et de si noble lignée ne peut errer dans notre camp avec une mine si triste qu’on la devine sous son litham, décrète-t-il ! Les maux viennent avec les saisons qui passent, toi tu as l’âge de l’insouciance. Que t’arrive-t-il ?

– J’aimerais partir avec le groupe de mon cousin… enfin, de mon oncle. Pour voir des terres sur lesquelles notre groupe à nous ne va jamais. Mais mon père pense que je suis trop jeune. Il ne veut même pas que je porte le voile bleu avant mon prochain anniversaire !

– Des terres que tu n’as jamais vues ? Elles te sembleraient d’autant plus belles que tu les découvrirais en compagnie d’une personne chère à ton cœur, n’est-ce pas ? me demande-t-il, avec un sourire gentiment moqueur.

Sans attendre ma réponse, qui ne serait pas venue, Kibala fouille dans un grand sac et en ressort une petite pochette de cuir vert. Il me la tend en m’expliquant qu’il s’agit d’un shérod, un porte-bonheur que je dois garder autour du cou.

– Comment dois-je l’utiliser ?

– Quand le moment sera venu, tu le sauras. Mais, attention : tu ne dois en aucun cas regarder le fétiche que contient la pochette, et sache que ce shérod ne peut servir qu’une seule fois ! Tu dois donc le conserver précieusement pour que ton père te laisse partir avec l’autre groupe lorsque l’occasion se présentera. Si tu en fais un autre usage, je ne pourrai plus rien pour toi !

Sans plus tarder, plein d’espoir, je vais retrouver mon cousin, qui puise de l’eau pour les bêtes, et lui rapporte les paroles de Kibala en lui montrant le shérod sur ma poitrine.

– Puisse ton shérod nous protéger des scorpions ! déclare Mohada.

– Pourquoi dis-tu cela ?

– Nous sommes plusieurs à avoir constaté qu’il y avait déjà beaucoup de ces sales bêtes, alors que l’été est à peine là. Personne n’a encore été piqué, mais les scorpions sont si nombreux cette année qu’ils ne se cachent même pas dans leurs trou ou sous les pierres à notre arrivée. Ils semblent nous défier en restant immobiles et… ne bouge pas, Mohada. Pour l’amour du Ciel, ne bouge pas.

Vif comme la foudre, mon cousin dégaine le poignard passé dans sa ceinture et s’abat sur le scorpion qui menace juste derrière mon talon, le transperçant en plein milieu de sa carapace noire et luisante. Je demeure tétanisé par la peur qui me gagne après coup. Mohada me sert dans ses bras, tremblant. Il me dit qu'il deviendrait fou s'il me perdait.

Jour après jour, les scorpions se font de plus en plus nombreux. Pour un scorpion que nous tuons, deux semblent prendre sa place. A tel point que, par moment, le vent ne souffle plus assez fort pour effacer le grattement monotone de leurs pattes sur le sable et les rochers.

A suivre…

Lire Le Voile bleu (partie 3)

 

Ce texte est © Le Journal de Jay et ne peut être reproduit sur quelque support que ce soit sans l'autorisation explicite de son auteur. 

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18 février 2012 6 18 /02 /février /2012 09:20

Voici un texte, sorte de brève autobiographie, que j’ai retrouvé par hasard parmi tout un tas de vieux livres jaunis et odorants. Il se trouvait caché entre deux ouvrages, dans un gros carton que ma passion des livres anciens m'a poussé à acheter, en septembre dernier, dans un vide-grenier. Avec l’aide d’un logiciel approprié, j’ai traduit ces pages du « tifinagh », la langue parlée des Touaregs, peuple du désert saharien. Parce que je les trouve émouvantes, j’ai décidé de les partager avec vous…

Octobre approche. Bientôt, ce sera l’été, la sécheresse de nouveau, jusqu’au prochain mois de juillet. Il fait déjà chaud. On trouve encore des plaques de sel que la pluie a fait remonter de la terre. Mes sœurs, mes petits cousins et moi les collectons pour les donner aux dromadaires et aux chèvres qui en raffolent.

Notre groupe est constitué de treize personnes, c’est-à-dire mes parents, leurs enfants, la sœur de ma mère, ses enfants et le père de son mari. Nous sommes riches de cent trente dromadaires et de mille quatre cents têtes de bétail : des chèvres, principalement, mais aussi des vaches, des moutons, et des ânes qui nous sont très utiles pour transport nos affaires lors de nos voyages. Autant dire que nous avons tout pour être heureux, grâce au Ciel !

Devant la héhékit de mes parents, ma mère est occupée à préparer des mets délicieux. Elle écrase la semoule de blé pour faire des tagalas, de succulentes galettes sur lesquelles nous laisseront fondre du beurre. Cinq grands fromages sèchent à côté d’elle. Elle me fait signe :

– Viens, Assam, viens, mon fils.

– Je peux t’aider, Mère ?

– Oui. Si tu veux bien, découpe-moi ce mouton en quartiers.

Tous ces préparatifs sont destinés à faire la fête avec le groupe du frère de mon père, que nous allons enfin retrouver ce soir, après deux ans de séparation. C’est pour cet événement que nous avons tué deux moutons que nous servirons avec du fonio, ma céréale préférée. Il y aura aussi du lait fermenté parfumé aux dattes. Mais, si je suis impatient, ce n'est pas par gourmandise, c’est parce que j’ai très envie de revoir mon cousin, Mohada.

La dernière fois que je l’ai vu, il avait quatorze ans, et moi douze. Je me souviens que nous nous sommes beaucoup amusés et que je l’aimais bien. Il faut dire que je n’ai pas de frère, seulement trois sœurs, et mes cousins ont tous moins de dix ans. Alors, la complicité d’un garçon de mon âge me manque vraiment. Et puis, même si j’ai un peu honte de l’admettre, je ressens pour Mohada quelque chose… d’indéfinissable. Je rêve de lui presque chaque nuit, j’imagine que nous chahutons, sous ma héhékit, à l’abri des regards. La pression de son corps contre le mien me fait tourner la tête. La plupart du temps, quand je me réveille, mon ventre est mouillé et collant du lait qui s’échappe de mon qad'ib. Jamais celui-ci n’est aussi long, ni aussi dur que lorsque je songe à mon cousin. Je ne sais pas si c’est normal : je crois avoir compris de certaines conversations d’adultes que cela ne devrait se produire qu’avec une épouse. Le mieux est de ne pas en parler, c’est mon secret.

 

Le soir va tomber. Au loin, j’entends les cloches de leurs animaux… Ils arrivent ! Ce n’est encore qu’une vague gris bleu, à l’horizon. Je décide de partir au-devant d’eux, en courant, malgré la chaleur de fin d'après-midi et la poussière que je soulève. Zoua, la chatte des dunes, se met à me poursuivre : elle croit que je suis en train de jouer. Je ris de ce malentendu, mais aussi du bonheur de la perspective de revoir Mohada dans quelques instants. J’arrive, à bout de souffle, face à la caravane composée d’une vingtaine de personnes et de milliers de bêtes.

voile-bleu-01.jpg

– Eh bien ! Eh bien ! Te voilà bien pressé mon garçon ! s’exclame joyeusement mon oncle. Est-ce toi, Assam ?

– Oui ! Oui ! mon oncle, comment as-tu su ?

Je suis très fier qu’il m’ait reconnu malgré le litham qui m’enveloppe la tête. Mais, je suis encore plus fier quand il dit m'avoir identifié grâce à « mes yeux verts sans pareils » et qu’il exprime son étonnement de voir que le jeune garçon a laissé place à « un solide gaillard ».

– Où est Mohada ? dis-je après avoir salué ma tante, n’y tenant plus.

– Il est derrière, il est chargé des moutons.

– Je peux aller le rejoindre ?

Bien sûr ! Mais je ne sais pas s’il te reconnaîtra.

Voilà bien quelque chose que je n’avais pas envisagé.

Après avoir remonté la caravane, Zoua toujours sur mes talons, j’arrive en vue d’un troupeau guidé par un homme enrubanné d’un taguelmoust, à dos de dromadaire. Le taguelmoust, c’est comme un litham, mais en bleu indigo. Seuls les hommes nobles ont le droit de le porter. Autrement dit, dans ce groupe, il n’y a que mon grand-père, mon oncle… et Mohada. Les autres sont soit trop jeunes soit vassaux. Cet homme qui me paraît si gigantesque serait donc mon cousin ?

Il met pied à terre et se dirige vers moi d’un pas résolu. En un instant, je reconnais ces grands yeux noirs, comme deux belles pierres de jais, encadrés par la teinture bleue qui les met en valeur avec grâce. Ce géant me serre dans ses bras et me tape dans le dos : « Assam ! Mon petit Assam ! Mon cousin préféré ! »

 

Autour des feux où grille le mouton, les femmes chantent des légendes aux enfants, en s’accompagnant du amzad, un petit violon que l’on se transmet de mère en fille, et du claquement des tindes que les hommes ont fabriqué le jour même avec des jarres et de la peau de chèvre. Tout le monde crie, tout le monde rit. Les deux plus vieux, les sages de nos groupes, jouent à l’écart au dara : ils ont tracé un damier dans le sable et utilisent des bouts de bois et des crottes de chèvre séchées en guise de pions.

Je ne peux m’empêcher d’épier Mohada en train de manger, espérant apercevoir un peu son visage. Mais il manipule son taguelmoust avec dextérité et parvient à faire disparaître la nourriture sous le voile avec rapidité, du bout des doigts, sans qu’il soit impossible de deviner sa bouche. Soudain, j’ai l’étrange sentiment qu’il a deviné mes pensées. Il me propose : « On va dans ta héhékit quelques instants ? »

Les tisons que j’ai apportés sous la tente nous éclairent faiblement de leurs éclats rougeoyants.

– J’aimerais bien voir à quel point mon petit cousin a grandi, dit Mohada en souriant. Veux-tu enlever ton litham pour moi ?

– Je ne sais pas… de toute façon, je l’enlèverai pour dormir… et comme tu couches sous ma héhékit, tu pourras me voir.

– Je n’ai pas envie d’attendre. Bon, je comprends que tu sois gêné, je commence.

Il détache lentement son voile bleu, tire dessus comme s’il caressait son cou, et le laisse tomber à terre. Malgré la faible clarté, on devine que la teinture bleue a laissé des traces sur ses joues, signe de respectabilité. Il est encore plus beau que dans mes souvenirs. Son nez aquilin, ses lèvres épaisses, une barbe brune de quelques millimètres d’épaisseur. J’éprouve des sensations que je ne connaissais qu’en rêve depuis deux ans. Je retire mon litham, non sans sentir mes joues s’empourprer de honte.

– Tu es très beau ! s’exclame mon cousin, d'un air admiratif.

– Moins que toi… et puis, ta peau est bleue…

– Pourquoi ne portes-tu pas encore le taguelmoust ? Nous sommes de la même lignée.

– Je dois attendre encore quelques mois, d’avoir quinze ans, mon père dit qu’un enfant ne doit pas porter le voile bleu.

– Tiens, mets-le mien, si tu veux, me dit Mohada en me tendant le sien.

– Non, non, je ne peux pas !

– Tu ne vas pas sortir avec du héhékit, personne n’en saura rien !

Sans me laisser davantage de temps pour réfléchir, il place son voile autour de ma tête, ramène le grand côté sur ma bouche (oh ! son parfum de sable légèrement musqué !), passe le tissu autour de ma tête, le ramène sur mon front, en me souriant de ses dents d’ivoire si joliment alignées, et fait encore une fois un tour avec le tissu bleu avant de glisser un coin dans un pli, sur ma nuque qui frémit de plaisir. Il me tend un fragment de miroir qu’il sort du shékest de sa poitrine.

– N’es-tu pas superbe, Assam ? Mon petit cousin est un homme maintenant !

– Oui, c’est bien ! C’est vraiment bien, dis-je, l’émotion me dérobant mon vocabulaire.

Mohada s’approche de moi, saisit mes bras fermement, et se penche sur moi pour déposer un baiser sur mes lèvres, à travers le voile bleu.

C’est à ce moment-là que la peau de mouton qui ferme ma tente s’entrouvre.

A suivre…

Lire Le Voile bleu (partie 2)

 

Ce texte est © Le Journal de Jay et ne peut être reproduit sur quelque support que ce soit sans l'autorisation explicite de son auteur.

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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 12:24

lire la partie 4

Jérémy enfila un manteau et son plus beau sourire, et descendit l’escalier.

– Bonsoir mon chéri, dit-il en embrassant Jay, qui lui faisait horreur. Je vais faire un tour. Je reviendrai à temps pour préparer le dîner. A tout à l’heure.

– Et où cours-tu comme ça ? Ta voiture est en panne. Tu comptes faire du stop jusqu’en ville ?

– Mais, non, imbécile, j’ai juste envie de marcher un peu. Simuler le calme et la sérénité exigea de Jérémy un effort surhumain.

– Je t’accompagne.

– Pourquoi ?

– Pourquoi pas ?

Jérémy n’osa pas insister, il savait que le moindre soupçon pouvait précipiter sa perte. Tout au long de cette fin de journée, Jay ne le lâcha pas d’une semelle. Il l’accompagna même dans la cuisine pour l’aider à servir la table, lui qui avait pour fâcheuse habitude de s’asseoir en attendant que Jérémy fasse tout.

Le dîner fut éprouvant : il fallut donner l’impression de manger avec appétit, entretenir une conversation affectueuse. Et, derrière cet écran, l’esprit de Jérémy fonctionnait à toute vitesse, cherchant une solution pour sauver sa vie. Prendre un couteau à roast-beef dans la cuisine et attaquer le premier ? Oui, mais Jay le suivait à la trace et, quand bien même il ne viendrait pas avec lui dans la cuisine, il le savait assez malin pour se connecter, depuis le salon, et surveiller le déplacement des objets de la cuisine grâce à leurs capteurs et leurs RFID incorporés. Peu probable ? Mais possible. Et dangereux. Car Jérémy se sentait épouvanté et tremblant comme une feuille ; seul l’effet de surprise pouvait lui donner l’avantage sur son mari, bien plus costaud que lui.

Soudain, une idée lui redonna espoir : Jay avait déjà dû différer son crime à cause de David… Et si Jérémy lui disait que Lucas était en ville et devait passer en fin de soirée pour le dessert ? Il crut lire dans le regard de Jay une détermination démente et se dit qu’il le tuerait sur-le-champ avant d’appeler Lucas pour prétexter un empêchement et lui demander de remettre sa visite.

Il avait l’impression qu’un petit animal affolé tournait en rond dans son crâne. Si seulement il s’était montré plus aimable avec Lucas et l’avait invité à passer ce soir !... Eurêka !

– Au fait, déclara Jay, l’air bonhomme, nous descendrons à la cave pour coller ces puces sur les bouteilles, tout à l’heure.

– Tu as vraiment besoin de moi ? demanda Jérémy en réprimant un frisson.

– Oui, ça ira plus vite, ce n’est pas négociable ! affirma Jay. Pour te récompenser de ton aide, je te baiserai comme un dieu après ça, ajouta-t-il avec un sourire complice.

Jay semblait s’amuser intérieurement de sa duplicité. Son jeune mari frémit et se dit que c’était le moment ou jamais de mettre sa dernière idée à exécution.

– Ça te dirait un pain surprise au foie gras et au saumon pour demain midi ? interrogea Jérémy avec une soudaine bonne humeur.

– Euh… oui, oui…

– Je vais téléphoner à M. Bouvier pour le lui commander, je pense qu’il n’est pas trop tard, dit Jérémy en se levant de table et en se dirigeant vers la porte du salon qui menait à l’escalier.

– Et tu as besoin de t’isoler pour téléphoner à notre traiteur ?

– Nnnon.

– Alors, assieds-toi et appelle d'ici, conclut Jay en lui désignant sa chaise.

Jérémy revint jusqu’à la table, hésitant. Il sortit son mobile et composa… le numéro de Lucas. Une sonnerie. Deux sonneries. Trois sonneries (je t’en prie, réponds).

– Bonjour. Vous êtes en communication avec le répondeur de Lucas Lecomte…

– Allô ? M. Bouvier ? Bonsoir.

– …le moment, mais vous pouvez lui…

– Pardonnez-moi d’appeler si tard, mais je voulais vous commander un pain surprise pour le déjeuner de demain.

– …après le bip. BIP !

– Jérémy Wesson.

– …

– Oui, avec, entre autres, du saumon et du foie gras.

– …

– Oui, du Périgord, c’est vraiment très important. Une question de vie ou de mort, j’ai envie de dire ! ajouta Jérémy en riant, avec un clin d’œil complice à Jay. Mon mari est totalement fou de foie gras, vous savez… Bien, merci M. Bouvier, je compte sur vous. Alors à demain. Bonne soirée.

Il raccrocha, se demandant 1° si Lucas écouterait son répondeur bientôt, 2° s’il comprendrait qu’il y avait un problème ou s’il croirait à une mauvaise plaisanterie.

Les époux prirent leur dessert et leur thé en silence. Jérémy mangea sa part de tarte aussi lentement qu’il était envisageable de le faire sans éveiller les soupçons.

– Bon ! intervint brusquement Jay, allons-y, ces bouteilles nous attendent ! Plus tôt nous commencerons, plus tôt nous en aurons fini.

– D’accord. Je monte chercher un pull, il fait froid à la cave.

– Tu as raison, je vais en chercher un aussi.

– Tu ne me crois donc pas capable de t’en descendre un ? s’offusqua Jérémy.

– Si… merci… hésita Jay.

Dès qu’il ne fut plus en vue de son mari, Jérémy monta les marches quatre à quatre et entra dans la chambre.

Réfléchir. Vite.

Les vêtements… à tout instant, Jay pouvait le localiser au mètre près grâce aux RFID de ses fringues. Il se déshabilla complètement. Putain d’époque ! Même son slip avait une puce insérée dans le textile.

Et maintenant ?

Fabriquer une échelle de corde avec des draps et s’échapper par le jardin. Sortir nu par –2° C l’effrayait moins que le sort que lui réservait son psychopathe d’époux, mais il n’avait pas le temps de nouer les draps, Jay monterait pour voir pourquoi il tardait tant à venir.

Pas question d’utiliser son portable pour appeler du secours, autant téléphoner à Jay !

Il ne lui restait donc plus qu’à gagner du temps, en espérant que Lucas avait entendu son message et qu’il était déjà en route. Sans compter le hammam, il y avait huit grandes pièces à l’étage, avec des portes communicantes. De quoi jouer au chat et à la souris. Jérémy ferma à clef la porte de la chambre où il abandonna donc ses habits et son portable. Il passa par l’autre porte dans la luxueuse salle d’eau et, de là, dans une chambre d’amis dans laquelle il verrouilla les deux ouvertures. Prenant garde de ne déplacer aucun objet, tous dotés de capteurs et de puces, il se glissa sous le grand lit.

Soudain, il entendit Jay l’appeler de l’entrée de la cave : « Alors, qu’est-ce que tu fais ?… Eh ! Qu’est-ce que tu fous ?… Tu m’entends pas ?… T’es sourd ou quoi ?… » Des pas montant précipitamment l’escalier. La poignée de la porte de la chambre conjugale, que l’on tourne en insistant avec force. « Pourquoi tu t’es enfermé ? Réponds-moi, au moins, tu me fais flipper, là ! »

Quelques secondes après, Jérémy sursauta en percevant le fracas de la porte que l’on enfonce à coup d’épaule. « Ah ! putain, je me suis bousillé l’épaule ! » Silence. Jay découvrait probablement les vêtements et le portable abandonnés. « Tu es à poil ? lança Jay à la volée. Tu t’es caché ? T’es con ! C’est pas que ça m’excite pas ton petit jeu, mais je me suis vraiment fait mal à l’épaule. » Silence. « Tu penses que je fais semblant d’avoir mal ? »

Jérémy ne put réprimer un léger sentiment de compassion à l’égard de l’homme qu’il avait tant aimé. Qu’il aimait tant ? Il douta un instant… n’eut plus aucune certitude… et failli se précipiter dans la chambre pour regarder l’épaule de son mari. Les coupures de journaux lui apparurent en esprit aussi clairement que si elles étaient encore devant ses yeux. Et il se ravisa.

« Bon. T’as gagné. Malgré la douleur, je bande comme un cerf. Quand je pense que tu es planqué quelque part, totalement nu, et qu’il me suffira de te trouver pour enfoncer ma queue dans ton petit trou moite d’excitation… » Jérémy n’entendit plus rien, mais connaissant Jay, il l’imagina aisément consulter son portable afin de trouver une piste. « Bon, déjà, tu n’es pas planqué dans une armoire. Aucune n’a été ouverte. Je vois que tu n’es pas sous notre lit. Tu n’es pas dans la cabine de douche, non plus… J’aurais dû poser des capteurs sur toutes les portes de la maison : je saurais exactement par où tu es passé… Bien, il me suffit de regarder dans toutes les pièces, en jetant un œil sous les lits et derrière les rideaux. Si tu essaies de te déplacer, j’entendrai inévitablement les portes que tu ouvriras… gare à tes fesses, mon gars, j’arrive ! »

Une voiture. Une voiture ! Elle s’arrête dans l’allée. Jérémy prend le risque de sortir de sous le lit, regarde par la fenêtre. C’est Lucas ! D’où il est, il y a peu de chance pour que son sauveur le voie. En revanche, Lucas lève les yeux vers la fenêtre de la chambre des époux. Il sourit en faisant un petit signe de la main.

Jérémy se sent comme assommé par la vérité qui lui explose tout à coup au visage… La tentative de Lucas de se faire inviter… Le fait qu’il soit justement présent en ville quand Jay a décidé de se débarrasser de son richissime mari… Ils sont complices… ces ordures sont complices, et peut-être même amants, depuis le début !

« Jérémy, nous avons de la visite. C’est ton Lucas. Je déconne pas, là. Sors de ta planque, viens t’habiller. Ou je lui demande de te chercher avec moi : ce sera la honte de ta vie… » Ils sont deux, plus forts que lui, probablement armés. Il est seul, nu, coincé à l’étage et, de toute façon, sans véhicule… à moins que… Jay garde la clef de la solairemobile dans sa poche, rien à faire. En revanche, il ne se souvient pas avoir vu Lucas verrouiller sa voiture. Et s’il avait laissé la clef de contact dessus ?

Il entend Jay descendre, ouvrir la porte d’entrée. Des chuchotements… longs… Deux hommes qui montent l’escalier :

– …d’abord cru à un jeu, mais je crois surtout qu’il a…

– Dépêchons-nous, l’interrompt Lucas, il faut le trouver rapidement, sinon… »

Jérémy entrouvrit la porte principale de la chambre d’amis où il s’était caché. Quand il entendit ses deux bourreaux dans la salle d’eau, il se précipita dans le couloir, passa devant la chambre (« Là ! Il est là ! Attrape-le ! »), dévala l’escalier, franchit la porte d’entrée, se blessa les pieds sur le gravier, sans même s’en apercevoir, puis s’engouffra dans la voiture de Lucas, effectivement restée ouverte.

Mais pas de clef de contact.

Il vit les tortionnaires fondre sur lui, verrouilla la voiture. Lucas appuya ses deux mains sur le capot et lui lança un regard (cruel ?) à travers le pare-brise, tandis que Jay frappait la vitre de la portière à coups de poing. Il n’avait plus aucune chance de s’en sortir vivant. La voiture commença à tourner sur elle-même, l’air se raréfia, tout devint noir, le levier de vitesse s’enfonçant douloureusement dans les côtes…

 

Jay et Lucas étaient assis dans un bar confortable, jade et or, en plein milieu du quartier des affaires. Lucas, sa tasse dans les mains, faisait danser le café sans en renverser.

– Ça n’a pas été facile, hein ? dit-il à Jay, après de longues minutes sans parler.

– C’est le moins qu’on puisse dire ! soupira Jay. Mais, maintenant, tout est pour le mieux. Là où il est, il ne souffre plus. Je sais qu’on va bien s’occuper de lui.

Ça remonte maintenant à une semaine, mais j’ai encore en tête le message qu’il a laissé sur mon répondeur… ça tourne en boucle, là-haut, précisa Lucas en se tapotant la tempe. Dès que je l’ai entendu, je me suis dit que ça n’allait pas, qu’il avait craqué, mais de là à imaginer… ça…

– Oui, « dépression et délire paranoïaque » selon le psy. Les antidépresseurs et une psychothérapie quotidienne devraient améliorer son état dans les mois qui viennent, le médecin me l’a assuré. Mais, en attendant, pour son propre bien, je suis obligé de le laisser enfermé dans cet… asile de fous.

– C’est nécessaire, il fallait le protéger de lui-même, confirma Lucas en prenant la main de Jay.

– Oui, je sais, je sais. Là-bas, on s’occupe bien de lui. Et, avec les médocs, il ne souffre plus. Je sais, je n’arrête pas de me le répéter.

– Sais-tu à quoi Jérémy faisait allusion en ne cessant de parler de coupures de journaux et de cuir ?

– Non, peut-être à des articles que j’ai conservés pour écrire un roman policier, le jour où j’aurais enfin le temps ! J’ai vu qu’il avait fouillé mon bureau… Quant au cuir, il est sans doute tombé sur les échantillons que je m’étais fait livrer afin de lui choisir une veste pour son anniversaire. A partir de là, qu’est-ce que son esprit malade a été imaginer ? Va savoir…

– Heureusement, il vous reste les millions que Jérémy a remportés. Avec ça, tu as pu lui donner accès au meilleur hôpital du pays. Toi-même, tu gagnes bien ta vie, je crois. Pardon d’être pragmatique, mais c’est tout de même un gros soucis de moins de savoir que tu peux lui offrir ce qu’il y a de mieux en matière de soins.

– C’est vrai. C’est vrai. D’ailleurs, à propos d’argent, j’ai appris dans les journaux que tu étais le neveu du fondateur des surgelés Pigard ? Je suis désolé pour ton oncle. Mais, pour toi, c’est une nouvelle vie qui commence !

– Oui, j’ai d’ailleurs enfin trouvé le courage de quitter ma femme et mon fils, maintenant que je sais que je peux les faire vivre plus que décemment. Mais, toute la fortune du monde ne m’empêche pas de me sentir seul. L’argent peut acheter le sexe, mais pas l’amour. Ne le prends pas mal, mais je crois que j’aime encore Jérémy.

– Pas de soucis, je sais ce que c’est que de se sentir seul. Jérémy me manque déjà… J’ai une idée : si tu venais t’installer dans une chambre d’amis, temporairement, bien sûr, le temps que nous puissions nous remettre de nos émotions ?

– Je ne sais pas…

– Je pourrai te donner des conseils d’homme d’affaires avisé pour gérer ton capital. Et puis, nous rendrons visite à Jérémy ensemble.

– Bon… je vais y réfléchir. Ne te vexe pas, mais je me défie des propositions faites un peu trop à la hâte…

– Je suis sûr que tu changeras d’avis. Aucun homme ne me résiste !

FIN

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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 18:47

Au commencement, avant que Dieu ne créât le ciel et la terre, il n'y avait rien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bah, quoi ? Vous ne pouvez pas dire que je ne vous avais pas prévenus !

 

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11 janvier 2012 3 11 /01 /janvier /2012 09:03

lire la partie 3

Après avoir tenté vingt mots de passe différents, dont son propre prénom, Jérémy renonça à explorer l’ordinateur du bureau de Jay. D’ailleurs, si sa cession s’ouvrait, son mari ne recevrait-il pas un message pour l’en informer ? Il se résigna à recourir aux bonnes vieilles méthodes et, presque en apnée, le visage empourpré par la honte à l’idée de se faire prendre la main dans le sac, Jérémy commença à ouvrir tous les tiroirs et à fouiller méthodiquement chacun d’entre eux, comptant sur sa mémoire photographique pour remettre ensuite chaque document, chaque objet à sa juste place.

Rien d’inattendu. Des factures, des reçus, de l’argent liquide, de vieilles photos de famille qu’il avait déjà vues, des stylos, une ampoule, des magazines… Une boîte renfermant des carrés de cuir : bizarre, mais pas compromettant, sans doute des échantillons fournis par un magasin où Jay avait l'intention d'acheter une veste ou un manteau. Mais… si, à bien y réfléchir, il y avait quelque chose d’inattendu : le simple fait de ne tomber sur rien… d’inattendu ! Comme si Jay avait craint que Jérémy ne vienne fourrer son nez où il ne fallait pas. Ce dernier s’était préparé, notamment, à tomber sur la correspondance d’anciens amants, ou sur des objets personnels que l’on conserve par attachement mais qu’on serait gêné de montrer… Or, il n’y avait rien, là, susceptible de provoquer ne serait-ce qu’un étonnement légitime.

Enfin, un tiroir refusa de s’ouvrir. Une seconde d’hésitation, puis Jérémy monta l’escalier quatre à quatre et pénétra dans leur chambre. Il entreprit de faire les poches de Jay. Dans un pantalon, sa main se piqua sur un petit porte-clefs en forme de minuscule couteau de tanneur, auquel été attaché une seule et unique petite clef. Ce serait un tel coup de chance… Il redescendit précipitamment dans le bureau, laissa échapper un cri de stupeur quand la clef glissa aisément dans la serrure du tiroir, ouvrit celui-ci et découvrit… un paquet de lettres. Des lettres qu’il reconnut pour être les siennes. Rien de plus.

Si : quelques coupures de journaux. Presque toutes provenaient de journaux français, quelques unes de journaux belges et anglais. Elles avaient trait à « l’Ecorcheur », comme l’appelaient les médias. Jérémy se souvint en avoir entendu parler. Un escroc et un assassin épouvantable qui, depuis au moins cinq ans, avait su masquer son identité et échapper à Interpol. Son mode opératoire était toujours le même : il séduisait et, si possible, épousait ses futures victimes, des hommes comme des femmes, les dépouillait de la majeure partie de leur argent qu’il devait blanchir d’une façon qui restait encore un mystère, et les assassinait. Détail horrible qui tendait à prouver qu’il n’était pas seulement un escroc criminel, mais un psychopathe monstrueux : les cadavres qu’il laissait derrière lui étaient mutilés, un carré de peau prélevé dans une quelconque partie du corps. D'où son surnom.

Jérémy parcourut un extrait du Soir Bruxellois :

UNE NOUVELLE VICTIME DE L’ECORCHEUR ?

C’est une bien épouvantable découverte que la police a faite, samedi matin, dans un immeuble luxueux de la banlieue de Bruxelles. Mme C., gardienne dévouée depuis quinze ans, monte le courrier à M. P., fraîchement marié depuis quelques mois à un homme que la concierge qualifiera à notre envoyé spécial de « délicat et aimable », quand elle s’aperçoit que sa porte d’entrée principale est entrouverte. Craignant d’être indiscrète, mais intriguée, elle pousse lentement la porte, appelle M. P., qui ne répond pas, et entreprend d’explorer l’appartement, qui occupe tout l’étage. C’est dans la chambre qu’elle découvre la scène macabre. M. P., un jeune et riche bourgeois sans histoire, demeure inerte, allongé dans son propre sang. La gardienne manque de défaillir, mais a aussitôt le réflexe d’appeler la police locale.

Le légiste constatera que le corps a été poignardé en treize endroits différents, et qu'un carré de peau a été découpé au niveau du dos de la victime. C’est cet élément sordide qui oriente la police belge et Interpol vers la piste de l’Ecorcheur. C’est ainsi que l’on surnomme désormais le monstre qui a déjà laissé derrière lui au moins huit victimes, toutes saignées à blanc, que ce soit au sens propre comme au figuré. En effet, le point commun des proies de l’assassin aux talents de séduction irrésistibles, c’est une fortune personnelle. Souvenez-vous, l’hiver dernier, à Cambridge (Royaume-Uni), quand…

Jérémy sentit la tête lui tourner. Une fraction de seconde avait suffi à son esprit pour additionner un et un. Non, c’était impossible. Impossible. Une autre coupure de journal, un portrait robot. Non, ce n’était pas lui. Pas du tout la même coiffure, pas le même nez, pas les mêmes oreilles. Mais, pourtant, ce regard, cette bouche ? Il comprenait, il avait toujours su, quelque part au fond de son inconscient.

La maison n’avait coûtée que quatre millions, et non six. Les prétendus deux millions que Jay avait sortis n’étaient que de la poudre aux yeux.

Il avait voulu l’entraîner dans la cave, la veille au soir, parce qu’il n’y avait aucune issue et que c’était l’endroit parfait pour l’éliminer sans difficulté ! Mais… pourquoi l’avoir épargné ?

A cause de David ! Le jardinier avait éventé son subterfuge en venant le mardi et en découvrant que Jérémy était en parfaite santé. Jay avait dû penser qu’il gagnerait du temps en faisant croire au vieil homme que l’absence de son jeune époux, le vendredi, s’expliquait par un voyage de convalescence. Il s’écoulerait de nombreux jours avant qu’on ne signale la disparition de Jérémy, le temps nécessaire pour blanchir un maximum d’argent et disparaître dans la nature !

Mais, maintenant, qu’allait-il se passer ? La folie de Jay, ou plutôt de l’Ecorcheur, ne pouvait-elle pas le pousser à se montrer imprudent et à mettre au plus tôt son plan à exécution ? Sans doute avait-il passé la journée à inventer une nouvelle fable pour expliquer momentanément la disparition de Jérémy à David et pour annuler le contrat avec la société de nettoyage qui venait chaque semaine.

Pas une seconde à perdre : appeler un dépanneur pour la voiture et partir avant le retour de Jay… non, idiot, trop long, trop risqué. Appeler Lucas, qu’il vienne le chercher ! Pourvu qu’il soit encore en ville ! Jérémy se figea en réalisant que la solaire-mobile de son époux venait de s’arrêter devant la maison. Il était revenu ! Déjà ! Il ferma précipitamment le tiroir et courut jusqu'à la chambre pour remettre la clef dans le pantalon. Bon sang, vite, le numéro de Lucas ?

Bonjour. Vous êtes en communication avec le répondeur de Lucas Lecomte, commença la voix enregistrée, mais…

– Mon chaton ! Surprise, je suis rentré ! cria Jay avec tendresse.

Jérémy raccrocha et glissa son portable dans sa poche de jean. Il sut, d’instinct, que Jay avait bel et bien l’intention de le tuer le soir même.

A suivre…

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lire la partie 5

Ce texte est © Jay. Toute reproduction interdite sans l’autorisation explicite de son auteur. 

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7 janvier 2012 6 07 /01 /janvier /2012 08:03

lire la partie 2

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C’était David, le jardinier. Il venait chaque vendredi. On était mardi. Jérémy vint au-devant de lui.

– Bonjour David ! Quel bon vent vous amène ? Vous avez cru qu'on était vendredi ?

– Non, non, je sais bien que ce n’est pas le jour. Mais j’ai reçu un mail de l’arroseur automatique. Il a fait sauter un fusible, faut que je le change.

– Vous avez fait tout ce trajet pour ça ? Vous auriez dû m’appeler, j’aurais pu m’en occuper.

– C’est que je ne voulais pas vous déranger, vous êtes malade, il faut vous reposer.

– Malade ? Moi ? s’étonna Jérémy.

– J’ai croisé M. Wesson, hier, en ville, c’est lui qui me l’a dit. Et aussi que vous partiez demain en convalescence, pour quelques temps, dans une maison de repos, expliqua David en avançant avec le jeune homme vers la maison.

– Jay vous a dit ça ? Vous avez mal compris ! Ou vous confondez avec quelqu’un d’autre.

– C’est possible, admit le jardinier, sceptique, je suppose qu’à mon âge on commence à devenir un peu sénile.

– Mais, non ! Vous êtes en pleine forme ! Moi aussi, il m’arrive de comprendre des choses de travers.

– Remarquez, je trouvais ça bizarre, aussi, de partir dans une maison de convalescence, quand on a à sa disposition une superbe propriété à quatre millions, et qu’on peut très bien faire venir des infirmières à domicile.

– Quatre ? Vous êtes loin du compte ! l’interrompit Jérémy en riant.

– Pardon ?

– La maison... elle nous a coûté six millions, pas quatre !

– Bah ! Mme Henri, de l’agence immobilière, alors que je m’occupais de ses massifs, m’a dit, comme ça, dans la conversation, que vous aviez acheté tout ça quatre millions.

– Vous vous êtes encore trompé ! conclut Jérémy en soupirant.

– Alors, là, non, je suis sûr de moi ! Je me souviens parfaitement que Mme Henri m’a dit qu’elle n’aurait pas pu vendre cette maison plus de quatre millions, frais de notaire inclus ! Et c’est bien la somme que lui a fait virer M. Wesson !

Jérémy se dit qu’il était inutile d’insister, laissa David aller s’occuper du fusible, et revint à ses pensées : devait-il parler à Jay du coup de téléphone de Lucas ? Il n’en avait absolument pas envie, en raison d’une crainte superstitieuse. Il avait le sentiment que parler de la présence de Lucas en ville attirerait celui-ci jusqu’à la maison, comme par enchantement. Il choisit donc de se taire, mais l’idée de mentir à Jay, même par omission, lui pesait sur l’estomac.

La journée passa ainsi, en pensées inquiètes et en menus travaux domestiques, puis Jay rentra alors que Jérémy finissait de préparer le dîner.

– Ta salade est délicieuse, mon chaton, le complimenta Jay. C’est du gingembre que tu as mis dans la vinaigrette ?

– Oui. Je suis content que ça te plaise.

– Après le repas, tu viendras m’aider à la cave, pour étiqueter les bonnes bouteilles que j’ai achetées ?

– Les étiqueter ?

– Oui, je veux poser une RFID sur chaque bouteille, afin d’être tenu au courant de la moindre variation de température.

– Mouais, je ne trouve pas ça très utile. J’irai plutôt marcher un peu pendant que tu feras ça.

– Non ! insista Jay, ça ira plus vite à deux ! Tu vas venir m’aider à la cave.

– A propos de cave, dit Jérémy, comme pour changer de conversation, David, le jardinier, y est descendu pour changer un fusible.

– Aujourd’hui ? Mais, il vient le vendredi !

– Il est venu exprès pour ça. Il ne voulait pas me déranger, parce qu’il savait que j’étais malade.

– Comment ça ?

– C’est toi qui lui aurais dit que j’allais partir quelques temps en maison de repos.

– N’importe quoi ! Il devient sénile, le pauvre vieux !

– Faut croire. Apparemment, il connaît même mieux que toi la somme que tu as versé pour l’achat de la maison : il m’a soutenu que c’était quatre millions !

– N’importe quoi… répéta Jay, pensif.

– Bon, on descend à la cave, alors ? proposa Jérémy, résigné.

– Non ! Pas ce soir, je n’en ai plus envie, répondit Jay d’un ton contrarié, en se levant de table pour aller s’enfermer dans son bureau.

Cette nuit-là, le sommeil de Jérémy fut des plus agités. Il rêva du jardinier, qui lui faisait une scène de jalousie : « Vous ne connaissez rien de Jay ! L’épouser était irréfléchi, irresponsable ! » Puis, il s’aperçut que le jardinier était en fait Lucas, lui expliquant : « Quatre millions, c’est six millions moins deux. Deux millions, c’est la part de Jay. » Qu’est-ce que ça signifiait ? « Connard de jardinier ! vociféra Jay en sortant de table, tu es malade, Jérémy, et tu vas aller en convalescence à la cave, que ça te plaise ou non ! » Soudain, Jérémy se retrouva devant une vieille porte de cave, rongée par les vers. Il tenait une clef aussi grande que sa main, la clef de la seule pièce du château dans laquelle son mari lui avait interdit de pénétrer. Terrifié de sa propre désobéissance, mais ne pouvant faire autrement, Jérémy tourna la clef dans la serrure. Aussitôt, un flot de sang jaillit par l’orifice de la porte.

Jérémy se réveilla brusquement. Le soleil était levé. Jay était parti sans bruit. Impressionné par ses rêves de la nuit, une idée désagréable s’imposa à lui : six mois plus tôt, il ne connaissait pas Jay, et ils étaient désormais mariés. Que savait-il de son passé ? Peu de choses, de grandes lignes tracées par Jay, suffisamment banales pour décourager les questions. Une scolarité exemplaire, quelques récits de voyages aux Etats-Unis, des parents décédés, pas d’autre famille, des études brillantes dans une grande école de commerce, quelques auteurs et films favoris…

Le bonheur offert par sa fortune récente n’était-il pas monté à la tête de Jérémy, au point de le rendre imprudent, en lui faisant épouser un homme dont il ne savait rien ? Il aimait Jay. Oui, il l’aimait. Mais pas au point de jouer à l’autruche. Il fallait prendre une décision : soit il allait passer sa journée à fouiner dans les affaires de son mari, pour y découvrir ses secrets, s’il en avait, soit il prenait sa voiture et partait se promener en ville pour se changer les idées. Il n’hésita pas à opter pour la seconde solution : cela faisait trop longtemps qu’il n’avait pas vu des gens, qu’il restait enfermé dans la propriété, il avait besoin de respirer.

En tournant la clef de contact, il sut immédiatement que quelque chose n’allait pas. La voiture toussa, hoqueta. Puis, il ne se passa plus rien. Par acquis de conscience, il ouvrit le capot, mais sa méconnaissance de la mécanique ne lui laissait pas grand espoir. Si une pièce avait lâché, pourquoi ne lui avait-elle pas envoyé un e-mail ou un SMS ? Il retourna dans la maison.

– Allô, Jay ? Bonjour mon chéri.

– Bonjour mon chaton.

– Figure-toi que ma voiture ne démarre plus.

– Hein ? Comment le sais-tu ? Je veux dire… tu voulais venir en ville, aujourd’hui ?

– Bah, oui, mais mon projet tombe à l’eau. J’appelle un dépanneur ?

– Non ! Ecoute, ne le prends pas mal, mais tu vas te ridiculiser : ce n’est peut-être rien du tout, je regarderai en rentrant ce soir, d’accord ? Ca ne te dérange pas de rester à la maison, n'est-ce pas ?

– Non, non, je vais m’occuper…

En disant ces mots, Jérémy savait déjà parfaitement en quoi allait consister sa principale occupation de la journée.

A suivre…

lire la partie 4

 

Ce texte est © Jay. Toute reproduction interdite sans l’autorisation explicite de son auteur.

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3 janvier 2012 2 03 /01 /janvier /2012 13:38

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Jérémy, qui ne se considérait pourtant pas comme passéiste et encore moins comme réactionnaire, se sentait toujours très mal à l’aise face à la technologie RFID. Les puces Radio Frequency IDentification existaient depuis le siècle dernier, on les trouvait notamment dans les cartes SIM des téléphones mobiles. Mais, à partir de 2022, avait eu lieu l’avènement de ce que les médias appelaient « l’internet des objets » : la moindre chose, de l’assiette au livre, en passant par le slip, était désormais dotée d’une RFID qui lui permettait d’être connectée en permanence aux autres objets et aux humains, via internet.

Ainsi, quand vous travailliez sur votre ordinateur, vous pouviez recevoir un e-mail de votre réfrigérateur, vous avertissant que la date du paquet de tranches de jambon allait bientôt arriver à expiration ; et lorsque vous flâniez à vélo, vous n’étiez plus étonné de recevoir un SMS de celui-ci vous signalant que la roue avant avait besoin d’un petit coup de pompe. Comment les objets savaient-ils où vous trouver ? Simplement en interrogeant les puces de vos vêtements !

Si la plupart des gens à travers le monde trouvait cette avancée pratique et indispensable, Jérémy faisait partie de ceux qui craignaient que cette technologie ne finissent par envahir l’espace privé de chaque individu. Mais, n’était-ce pas déjà trop tard ? Votre nom et vos coordonnées se trouvaient de facto inscrits sur la RFID de votre pull ou de votre jean. N’importe quel débrouillard croisé dans la rue, grâce au lecteur inclus dans son portable, pouvait s’approprier ces informations à votre insu. De même, il n’était plus possible de passer devant un magasin sans que celui-ci ne vous envoyât un message publicitaire relatif à la marque d’un habit que vous portiez ou d’un objet oublié au fond de votre sac ou de vos poches.

Jérémy était-il paranoïaque ou était-il réellement harcelé ? Le fait est qu’il devait bien se résigner à ce nouveau mode de vie dont Jay était si friand ! En effet, son mari, passionné par l’Internet des objets, ne s’était pas contenté des puces placées d’emblée dans chaque machin, mais s’était abonné à la plupart des grands réseaux d’objets, dont Stuffbook, et avait ajouté des lecteurs RFID un peu partout dans la maison.

Toutefois, si le bonheur parfait de Jérémy se trouvait parfois entaché, ce n’était pas tant par ce nouveau mode de vie que par le souvenir en filigrane des menaces de Lucas. Son anxiété se manifestait notamment par un cauchemar récurrent. Il découvrait le corps ensanglanté et inanimé de Jay. Lucas était penché au-dessus du cadavre, un couteau de cuisine à la main. Comble de l’horreur : Jérémy se réfugiait dans les bras du meurtrier pour pleurer et se laisser consoler ! Il n’avait évidemment jamais raconté son rêve à Jay, malgré cet étrange sentiment, à son réveil, de prémonition, de mise en garde contre Lucas.

Tandis qu’il sortait le drap de la machine, son téléphone sonna. Lucas.

– Oui ? Pourquoi m’appelles-tu ? demanda froidement Jérémy.

– Tu n’as pas l’air très heureux de m’entendre, constata Lucas.

– Peut-être que les menaces que tu as proféré lors de notre dernière discussion y sont pour quelque chose ?

– Allons, c’était il y a des mois. J’étais malheureux et en colère. Comme on dit, de l’eau a coulé sous les ponts. J’aimerais me faire pardonner. Je serais ravi si tu m’invitais à dîner avec vous un de ces soirs.

– Mais… comment ça ? Tu es où ?

– Eh bien, je suis en ville, à seulement quelques dizaines de kilomètres de votre maison. Je suis venu en vacances, tout seul, à l’hôtel. Est-ce que je peux passer vous voir, toi et Jay ?

– Non, c’est impossible !

– Désolé, dit Lucas, je ne voulais pas être importun, je tenais seulement à te présenter mes excuses et mes félicitations.

– Je voulais dire, se rattrapa Jérémy, que nous avons déjà quelque chose de prévu ce soir. Mais… hésita-t-il, veux-tu venir demain soir ?

– Merci, conclut Lucas après un silence. En fait, je vais peut-être repartir demain dans la journée, je ne sais pas encore, je ne peux rien prévoir. Je te laisse, au revoir.

– Au revoir, répondit Jérémy avec soulagement.

Jusqu'alors, il n'avait jamais regretté de vivre dans cette grande propriété, à l’écart de tout voisin, et sans aucun domestique. A la demande de Jay, qui semblait gêné par l’idée de vivre avec des étrangers sous son toit, Jérémy avait engagé une petit société de nettoyage qui passait deux fois par semaine pour astiquer la maison de fond en comble. Quant à l’entretien du parc, il était confié à David, un homme du village, plutôt âgé, qui venait une fois par semaine. Le reste du temps, malgré sa récente fortune, Jérémy demeurait seul à la maison et s’adonnait aux tâches ménagères. Il prenait un réel plaisir à s’occuper des lessives et à préparer de bons petits plats à son homme. Il ne percevait pas cela comme un sacrifice : il aimait tant son mari qu’il était heureux de contribuer à ce qu’il se sente bien chez eux.

C’était Jay qui avait découvert cette gigantesque maison de campagne, luxueuse, au milieu d’un parc boisé de cinq hectares, à plusieurs kilomètres de la première grande ville. Quand Jérémy l’avait vu, il s’était retrouvé sous le charme de l’endroit. Cette magnifique demeure, tout confort, isolée au milieu d’une nature reposante, constituait le nid idéal pour deux amoureux soucieux de fuir la rudesse d’un quotidien laborieux pour mieux s'aimer.

La propriété leur avait coûté six millions de francs post-euros. Malgré des revenus confortables – il était un homme d’affaires avisé – Jay ne pouvait pas mobiliser un tel capital. Jérémy régla donc quatre millions et, bien qu’il insistât pour financer la totalité de l’achat, il dut se résoudre à laisser Jay payer les deux millions restants, afin de ne pas risquer de froisser sa susceptibilité.

Depuis qu’ils avaient emménagé, ils n’avaient pas regretté un seul instant leur choix. Mais, maintenant, songeant à la proximité de Lucas qui, en conduisant rapidement, pouvait être là en moins de vingt minutes, Jérémy sentit peser désagréablement sa solitude. « Verrouillage des portes et des fenêtres » lança-t-il à la volée. Instantanément, il entendit le cliquetis des serrures se fermant dans toute la maison.

Mais à peine eut-il soupiré de soulagement, se reprochant ses inquiétudes disproportionnées à l’égard de l’inoffensif Lucas, qu’il entendit les roues d’une voiture écraser les feuilles mortes dans l'allée du parc.

A suivre…

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Ce texte est © Jay. Toute reproduction interdite sans l’autorisation explicite de son auteur.

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