J’ai des préjugés. Ou plutôt, je suis dépendant de clichés qui me tiennent lieu d’expérience. Nous sommes tous un peu comme ça, pauvres humains à l’âme si peu endurante ! Quiconque en prend conscience réalise en même temps à quel point sa connaissance de l’univers, ou du moins de son univers, peut s’en trouver limitée. Un exemple (de cul, parce que sinon, personne ne va lire cet article jusqu’au bout et, dans ce cas, autant rédiger mon journal dans un vrai cahier intime caché dans ma table de chevet) : le sadomasochisme.
Rien que le terme me fait pouffer. Je pouffe ! Tiens : pouf ! Je n’ai jamais fréquenté personne ayant des pratiques SM (ou alors, il y a des gens dans mon entourage qui cachent leurs jeux), si bien que tout ce que je sais de ces bizarreries se résume à des stéréotypes véhiculés par les médias, particulièrement internet. Donc : combinaison de cuir, grosse moustache, fouet, collier canin, et « Yes Master ». Pouf ! Pouf ! En quoi cela frustre-t-il la connaissance de mon univers (voir plus haut) ? Eh bien, si je suis maso (simple hypothèse, bien entendu, personne n’ayant lu le chapitre XI de mon roman autobiographique), et que j’abhorre les clichés cités précédemment, par réaction de rejet je vais refouler cette tendance, qui pourrait pourtant contribuer à mon épanouissement sexuel.
Or, si l’on se réfère à des sources sérieuses, le sadomasochisme serait fréquent dans la plupart des rapports sexuels. Les activités érotiques les plus courantes contiennent des éléments de contrainte qui font, de fait, partie des jeux SM : chatouiller, fesser, mordiller, immobiliser son partenaire en lui maintenant les poignets, etc. Quant à attacher son amant au lit, ce n’est pas non plus l’activité la plus excentrique qui soit ! La domination et la soumission sont des pratiques naturellement SM, mais qui sont pourtant banales dans les relations sexuelles : jouer à la bagarre en guise de préliminaires, battre son partenaire avec sa queue (sur le visage, sur les fesses…), s’asseoir sur lui, éjaculer sur une partie du corps de celui-ci…
Bref, on peut aimer certaines pratiques SM sans pour autant vouloir se faire lacérer à coup de martinet par un moustachu obèse gainé de latex.
C’est mon cas. Je trouve infiniment excitant de m’imaginer en créature sans défense consacrée aux plaisirs de mon partenaire, de savoir que mon corps peut être l’objet des tous ses caprices de mâle dominateur. Mais, si j’apprécie les pratiques évoquées dans le 3ème paragraphe, c’est la plupart du temps en phantasmes que je les savoure car, hanté par les clichés SM caricaturaux et grotesques (re-pouf), je n’ose avouer explicitement mes désirs.
Donc, c’est le scoop du jour (le nombre de lecteurs de mon journal risque d’exploser et cet article va sans doute faire le buzz chez Morandini) : je suis maso.
Mais, si le masochisme se mesurait sur une échelle de 1 à 10, je serais à 3 ou 4. Peut-être 5, guère davantage. Car je déteste avoir mal, la vue du sang me fait débander, et les déguisements SM façon motards en peau de capotes me font pouffer.
Je dédie cet article à tous ceux qui pensent que, pour mon bien, je devrais me laisser un peu aller. Voilà ! je suis capable de « me lâcher ». Derrière mon ordi.